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Pour une Église de l’écoute
Par Anne-Marie Pelletier et Monique Baujard, dans S’aventurer en éthique. Hommage à Marie-Jo Thiel, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, Coll. Chemins d’éthique, 2022, p. 229- 235.
En 1998, Marie-Jo Thiel fut la première à attirer l’attention des évêques en France sur la douloureuse question des abus sexuels sur mineurs commis par des prêtres. Dans un cahier des Documents Episcopat de juillet 1998, elle relevait déjà que ce phénomène prospère dans une culture de l’occultation et que « sans le vouloir objectivement, des institutions peuvent se révéler complices de cette dissimulation »[1]. Certainement ne prévoyait-elle pas à l’époque que, quelques vingt ans plus tard, elle consacrerait plus de sept cents pages à ce qui forme aujourd’hui l’ouvrage de référence en la matière, L’Eglise catholique face aux abus sexuels sur mineurs[2]. Sa formation de médecin aura certainement contribué à la rendre spécialement attentive aux vulnérabilités des personnes. Cette écoute des femmes et des hommes, et en particulier de celles et ceux qui ont été blessés par la vie, se retrouve aussi dans le rapport publié par la CIASE le 5 octobre 2021. Un rapport interdisciplinaire, remarquable à bien des égards, et qui vient rappeler que les victimes d’abus tirent un savoir spécifique de leur expérience, qu’il est donc essentiel de les écouter. Avant même d’entreprendre une analyse théologique ou d’élaborer un discours moral, il s’agit d’écouter les personnes et d’accepter d’apprendre de ce qu’elles ont vécu. Ce devoir d’écoute se trouve également au principe de la démarche synodale lancée par le pape François, quand il invite à « une écoute réciproque dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre »[3]. C’est précisément sa relation à l’écoute qui est actuellement mise en question dans l’Eglise. Il apparaît que, si l’institution ecclésiale était plus attentive aux blessures de la vie, elle proposerait bien toujours le même Evangile, mais dans un discours d’une toute autre tonalité. Cela vaut spécialement de sa relation aux femmes. Quel aurait été son discours si elle avait fait son préalable d’une attention à la condition des femmes, qui s’impose aujourd’hui comme un problème dans l’actualité du monde ? On risquera ici quelques rappels à ce sujet.
[1] . Marie-Jo Thiel, « A propos de la pédophilie », Documents épiscopat 10, 1998.
[2] . Marie-Jo Thiel, L’Eglise catholique face aux abus sexuels sur mineurs, Paris, Bayard, 2019.
[3]. François, discours du 17-10-2015 à l’occasion du 50e anniversaire de la création du synode des évêques.